lundi 26 juillet 2010
La foire de Brimfield
Un squelette entier avec chaque os patiemment identifié. Une armure de samouraï. Un mannequin étêté, avec une seule main et sans pied. Un harpon. Un ours noir empaillé. Des jambes de bois à la recherche d'un nouvel amputé. Un tuba. Un cercueil usagé. Un météorite tombé de l'espace? À la foire d'antiquités de Brimfield, si vous cherchez bien, vous risquez fort de trouver!
Trois fois par année, le petit village de Brimfield, au coeur du Massachusetts oublie son ambiance campagnarde pour se transformer en carnaval du déjà-porté, en cirque de l'usagé, en paradis pour collectionneurs affamés. Sa foire d'antiquités est devenue la plus vaste du monde: 6000 exposants regroupés sur 21 terrains privés et alignés sur un kilomètre et demi de chaque côté de la route 20.
Des stars comme Martha Stewart et Barbra Streisand inscrivent l'événement à leur calendrier. Des grand designers adeptes du «shabby chic» y envoient une armada d'employés, pour dénicher l'inattendu, le rare, le saugrenu.
Ils ne reviennent jamais les mains vides de ce marché aux puces pas comme les autres. Entre les meubles antiques plus classiques et les excentricités, tout ce qui a existé sur Terre semble regroupé en un seul et même endroit. La quantité d'objets donne le tournis...
Les vendeurs viennent de partout aux États-Unis et au Canada. Certains sont hyper spécialisés: l'un ne vend que des appuis-livres, l'autre ne fait commerce que de vaisselle en pyrex. Mais la plupart se présentent avec un sacré bric-à-brac entassé dans une camionnette. Ils étalent leurs trouvailles sur des tables, voire directement sur le sol, et le tour est joué. Ne reste qu'à attendre les clients. Et à négocier.
Et les clients affluent. Les foires se tiennent en mai, juillet et septembre, toujours du jeudi au dimanche. Ces jours-là, la population de Brimfield passe de 3000 à 130 000 personnes!
«L'événement a commencé en 1959, avec quelques exposants qui avaient monté leurs kiosques dans un champ. Le stationnement coûtait 50 cents à l'époque! En 1985, la superficie a doublé, mais la place a vite manqué... Aujourd'hui, il y a 21 foires indépendantes, installées sur différents terrains, qui forment la grande foire de Brimfield», explique David Lamberto, gestionnaire de la foire Hertan.
«La semaine la plus fréquentée est toujours celle de mai, ajoute-t-il. Les exposants ont accumulé des objets pendant tout l'hiver. C'est le début de la saison; on sent comme une fièvre dans l'air. Juillet est plus tranquille, avec 30% moins d'exposants C'est l'événement que je préfère: on a plus de place pour bouger et la concurrence est moins forte entre les exposants.»
L'antiquaire des antiquaires
Concurrence et antiquités ne vont d'ordinaire pas ensemble, mais à Brimfield, les bonnes affaires peuvent vite vous passer sous le nez. Sur certains terrains, les ventes commencent au lever du soleil... et le stationnement principal est plein aux premières lueurs. Les vrais chasseurs de trésors sont sur le pied de guerre aux aurores. Ils ne veulent pas rater l'aubaine. Car aubaines il y a. Surtout quand on sait négocier et qu'on connaît un peu son affaire.
La preuve: plusieurs acheteurs sont en fait des propriétaires de boutiques d'antiquités qui vont revendre leurs trouvailles à prix d'or une fois de retour chez eux...
C'est le cas de Gloria Greenwood, qui vient faire le plein de marchandises pour son commerce de Litchfield, Connecticut. Elle patiente depuis une heure devant la barrière de la foire Dealer's Choice, qui ouvre ses portes à 11h. Elle veut être parmi les premiers à entrer. «C'est une foire très populaire; les objets sont intéressants. Et il y a ce vendeur, Gary, qui est très séduisant...»
Quand les portes s'ouvrent enfin, la foule est si dense qu'elle bloque la circulation sur la route 20. Gloria Greenwood et les autres se ruent vers les kiosques où ils sont le plus susceptibles de trouver l'objet de leurs désirs. On se croirait en pleine folie du lendemain de Noël! Visiter Brimfield relève parfois du sport extrême!
Ira Pilossof fait partie de ces clients survoltés. Il sait exactement où aller en passant la porte. C'est un habitué. Il collectionne les briquets antiques et a écrit deux bouquins sur le sujet. Il a sauté (littéralement) sur un présentoir pour saisir un briquet d'argent et l'observer à la loupe. «J'en ai 10 000 à la maison, dit-il. Celui-ci est beau, mais la mèche n'a pas de sceau. Ce n'est pas bon.»
À côté, une femme glisse une bague à son doigt. «C'est du platine? Combien? 1500$? Je vous offre 1450$.» En deux minutes, la vente est conclue.
Plus loin, un couple tripote une épée qui date de la guerre de Sécession. Le plaisir de la foire de Brimfield tient beaucoup à cette ambiance pas guindée pour deux sous, où on peut tâter, soupeser, scruter chaque objet avant de se décider à l'acheter.
Mais parfois, la décision se prend en un éclair. «Je me souviens d'un homme qui a trouvé une édition très limitées d'une pièce d'un cent datant de 1907, raconte David Lamberto. Il l'a payée 1200$. C'était la seule pièce qui manquait pour compléter sa collection. Il l'avait cherchée pendant 20 ans!»
Repères
Les prochaines foires:
Du 7 au 12 septembre 2010;
Du 10 au 15 mai 2011.
Comment s'y rendre?
De Montréal, il faut compter environ 5h30 en voiture. Les aéroports internationaux les plus près sont ceux Boston et d'Hartford/Bradley.
Où s'informer?
www.brimfieldshow.com pour la liste des exposants, la carte et les heures d'ouverture.
Où loger?
L'événement étant très couru (surtout en mai et septembre), les chambres d'hôtel sont souvent réservées une année à l'avance. Il faut parfois aller plus loin, comme nous, qui logions à 25 minutes de route, au Holiday Inn Express d'Auburn.
Où manger?
Sur place, on trouve des dizaines de kiosques alimentaires. Nos suggestions: D.L. Lobster Express, pour ses sandwichs au homard, et le Collins Apple Barn, pour ses dumplings aux pommes. La région compte aussi plusieurs restaurants dans des demeures historiques. Deux adresses qui valent le détour: Salem Cross Inn, à West Brookfield, logé dans un vaste domaine datant du début du XVIIIe siècle, et Publick House Historic Inn, à Sturbridge, dont les bâtiments construits en 1771 abritent deux restaurants, une auberge et une boulangerie artisanale.
www.salemcrossinn.com
www.publickhouse.com
Stéphanie Morin
La Presse
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